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OUBLIER FUKUSHIMA


OUBLIER FUKUSHIMA

Arkadi Filine, Les editions du bout de la ville, 2021

 

C’est justement pour que l’on n'oublie pas l’accident nucléaire de Fukushima que les 3 auteurs, rassemblés sous le pseudonyme d’Arkadi Filine (c’est le nom d’un des liquidateurs de Tchernobyl), ont rédigé une première version de l’ouvrage 1 an après l’accident et l’ont complété 10 ans après l’accident.

Structuré en courts chapitres complétés par des documents relatifs à ces chapitres, le livre nous fait balayer les différents aspects de la catastrophe de Fukushima.

Le chapitre « Catastropher » nous donne quelques éléments chronologiques et les réactions japonaises et internationales face à la catastrophe.

Le chapitre « Liquider » nous décrit les mesures prises pour « liquider » les conséquences immédiates de la catastrophe. « La prétendue liquidation de l’accident de Fukushima Daiichi est une insupportable et effarante répétition de celle de Tchernobyl. Les mêmes mesures la fois dérisoires, ubuesques et contradictoires ; les mêmes défilés d’hommes pataugeant autour de la centrale et mourant dans l’ambulance pour l’hôpital »

Le chapitre « Evacuer » nous raconte les atermoiements du gouvernement japonais pour organiser l’évacuation des personnes les plus exposées, et l’augmentation du seuil maximum d’exposition des habitants « qui passe de 1 à 20 milli sieverts par an, soit le seuil maximum autorisé jusque-là pour les travailleurs du nucléaire ».

Le chapitre « Réhabiliter » nous décrit la phase de décontamination, car « au moins 8% du territoire japonais est, en effet, contaminé ». Avec un objectif : « rassurer les habitants qui sont restés et faire revenir au plus vite ceux qui sont partis ». Cette décontamination consiste à ramasser des tonnes de feuilles et d’herbes, racler la terre sur 5 à 10 cm, laver les toits et les sols au Karcher et génère donc des millions de tonnes de déchets radioactifs qu’il faut stocker.

Le chapitre « Démanteler » nous parle de la centrale elle-même. Après beaucoup de tergiversations, l’exploitant TEPCO a dû avouer que les « cœurs » de 3 des 10 réacteurs de la centrale avaient fondu, avaient percé la cuve et s’étaient enfoncés dans le sol, diffusant la pollution radioactive dans le sous- sol et dans les eaux et rendant le démantèlement très compliqué (au minimum 30 à 40 ans). Et ce sont des milliers de travailleurs qui rentrent chaque jour dans la centrale pour gérer l’eau de refroidissement et l’eau contaminée. « TEPCO déclare que 47 000 travailleurs ont été exposés aux rayonnements ionisants sur le site durant les 5 premières années »

Le chapitre « Repeupler » parle du retour des populations dans la zone contaminée. Le Japon ayant été sélectionné pour les Jeux Olympiques de 2020 (qui se sont déroulés en 2021 pour cause de COVID). À partir de 2013, le premier ministre Shinzo Abe s’engage à ce que les zones contaminées soient nettoyées et prêtes pour accueillir les JO. « Huit années durant, ce que l’on pourrait appeler des « grands travaux de fourmi » - titanesques par leurs ambitions, dérisoires par leurs moyens- se déployèrent sur un territoire de 2400 km2 ». Avec pour objectif de faire revenir au plus tôt les populations dans la zone.

Le chapitre « Étudier » décrit comment le gouvernement japonais a lancé une très vaste enquête sanitaire et épidémiologique, mais en verrouillant complétement les données. « Toutes les études - même critiques – n’ont d’autres choix que de s’ appuyer sur des données dont l’unique source est l’université de Fukushima ». Et les auteurs nous donnent quelques éléments qui tendent à confirmer qu’« en matière de mensonge et de manipulation de données, le nucléaire est depuis ses origines l’école de référence » .

Le chapitre « Célébrer » parle des jeux de Tokyo 2020-2021 qui sont vus par le gouvernement japonais et l’industrie nucléaire comme un moyen de rebondir après l’accident : « Si même une catastrophe nucléaire de niveau 7 n’empêche pas la tenue des JO dans et autour d’une capitale contaminée, alors plus rien ne pourra plus jamais entraver la marche du nucléaire ». Et les auteurs de conclure «Puisse ce livre contribuer à l’histoire immédiate de nucléaire et nourrir quelques esprits qui refusent de se résigner ».

 

Dans un style différent de celui de Kate Brown «  Tchernobyl par la preuve » - voir la chronique - l’ouvrage «  Oublier Fukushima » a finalement le même objectif : rassembler des faits pour que l’on n’oublie pas qu’accident après accident, essai nucléaire après essai nucléaire, l’atome contribue à la destruction de la vie ( « au moins 65 millions de morts depuis soixante-dix ans » selon la

Recommandation 2003 du Comité Européen sur le Risque de l’Irradiation) et que plutôt que d’essayerde minimiser systématiquement les risques du nucléaire et les conséquences des accidents, il vaudrait mieux regarder en face le fait que «  la véritable catastrophe nucléaire, ce n’est pas que tout s’arrête , mais que tout continue »

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