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Utopies réalistes


Pendant des siècles, l'homme a rêvé d’un monde meilleur, principalement du point de vue matériel. Pour les gens vivant au Moyen Âge, l'utopie c'était le « Pays de Cocagne ». Aujourd'hui , vu par un homme médiéval notre mode de vie pourrait  ressembler à ce pays de Cocagne  : fast-food ouvert 24 heures sur 24, contrôle de la température ambiante, revenu sans travail, une médecine qui nous permet de  prolonger la jeunesse…

Ce qui nous manque aujourd'hui, nous dit Rutger Bregman, c'est une utopie.  « Le progrès c'est la réalisation des utopies » disait Óscar Wilde. Mais aujourd'hui notre horizon lointain reste vide. Il n'y a pas de nouveaux rêves parce que nous ne pouvons imaginer de monde meilleur que le nôtre (du moins pour les occidentaux). De fait, dans les pays riches, les gens croient que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.

L'objectif de l'ouvrage de Rutger Bregman , c'est « d'ouvrir en grand les fenêtres de notre esprit » en nous présentant en détail trois utopies :

La première utopie, c'est l'idée que tous les humains devraient avoir accès inconditionnellement de l'argent. C’est l’idée de revenu universel, idée dont Thomas More rêvait déjà dans son ouvrage Utopia de 1516. À travers un voyage dans l'histoire, où l'on découvre que Richard Nixon a été à deux doigts, il y a 40 ans, d'instaurer le redevenu universel, il nous montre que la pauvreté n'est pas une fatalité, et à quel point  est contre-productif notre obsession de lier revenu et travail. « Dans une société capitaliste ou communiste, un pauvre est un pauvre , et ces deux systèmes partagent une idée fausse qui a failli être dissipée il y a 40 ans,  et qui veut qu'une vie sans pauvreté soit un privilège, qu'il faut  travailler pour le mériter, et non un droit que nous méritons tous ».

La seconde utopie c'est la réduction drastique du temps de travail, la semaine de 15 heures. Depuis le début de l'ère industrielle le temps de travail n'a fait que diminuer. Mais, dans les années 1980, les réductions du temps de travail s'arrêtent nettes. La croissance économique ne se traduit plus par davantage de loisirs, mais par davantage de choses. En multipliant les exemples, l'auteur nous montre que cet arrêt de la diminution du temps de travail n’est pas une fatalité et que nous pourrions aller beaucoup plus loin, vers la semaine des 15 heures, solution qui présente de nombreux avantages  « Ce n'est pas une coïncidence si les pays où la semaine de travail est la plus courte ont aussi le plus grand nombre de bénévoles est le plus important capital social ».

La troisième grande idée qu'il développe, c'est l'idée de supprimer les frontières. « Nous voici en pays d'abondance, à philosopher à propos de décadentes utopies fondées sur de l'argent gratuit et des semaines de 15 heures, tandis que des centaines de millions de gens cherchent à survivre avec un dollar par jour. Ne vaudrait-il pas mieux nous atteler aux plus grands défis de notre temps : permettre à tous les habitants de la terre d'avoir accès aux joies du pays d'abondance ? »

Il nous entraîne alors dans une réflexion sur l'aide au développement «  à minima » telle que la pratiquent actuellement les pays riches dans un monde aux frontières fermées. Il développe une idée provocatrice, à savoir que l'ouverture des frontières rendrait le monde entier deux fois plus riche. Il déconstruit ensuite les idées couramment véhiculées pour justifier la lutte contre l'immigration. « Ouvrir nos frontières, les entrebâiller même, c'est de loin l'arme la plus puissante dans la lutte mondiale contre la pauvreté », nous dit –il

Un livre dont il est difficile de rendre la richesse ,  tant qu'il fourmille d'idées et d'exemples qui montrent bien que ces utopies sont tout à fait réalistes et envisageables à court terme. Car ne l’oublions pas, tout progrès de la civilisation – des débuts de la démocratie à la fin de l'esclavage, ou au vote des femmes – fut d’abord considéré comme un fantasme de doux rêveurs.

Un livre qui fait du bien car « depuis le crash financier mondial de 2008 et l'avènement de l'ère du BREXIT et de TRUMP , de plus en plus de gens ont faim d'un antidote radical, à la fois à la xénophobie et aux inégalités. Faim d’une toute nouvelle carte du monde. Faim d'une nouvelle raison d'espérer. Bref faim d'utopie. »

Rutger Bregman, Editions du Seuil, 2017

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