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Quand la gauche essayait encore


Professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Toulouse, François Morin a publié plusieurs livres faisant une analyse critique du système financier actuel : un monde sans Wall Street ( 2011), l’Hydre mondiale ( 2015), l’économie politique du XXIe siècle (2017) , chaque fois gardant le regard critique et analytique de l’économiste universitaire. Dans le présent ouvrage, il s’est « libéré du strict langage universitaire pour faire aussi place à la parole du citoyen engagé ».

Cet ouvrage est constitué de deux parties bien distinctes.

Dans une première partie, François Morin raconte l’histoire des nationalisations au moment où François Mitterrand et la gauche ont accédé au pouvoir en mai 81. Membre du cabinet de Jean le Garrec, le secrétaire d’État chargé de mettre en œuvre les nationalisations, Francois Morin a pu observer de particulièrement près l’ensemble des tractations politiques qui ont conduit à la loi de nationalisation de 1982 et il nous les raconte de manière très vivante. On voit ainsi comment se sont affrontés les différents courants au sein du gouvernement de François Mitterand qui associait socialistes et communistes.

Ces nationalisations ont finalement été un échec, car on a assisté à partir de 1986 au mouvement inverse de privatisations massives. De fait elles venaient à contrecourant de la tendance forte de l’époque « Ces transferts de propriété du privé vers le public se sont réalisés à un moment où, dans les autres pays développés, se diffusait, a contrario, un mouvement de dérégulation et de libéralisation (néolibérale) de l’économie et surtout de la finance. »

Dans une deuxième partie, tirant les leçons de cette expérience de nationalisation, et face au constat de l’échec de la dérégulation et de la politique néolibérale, Francois Morin  présente « les éléments essentiels qu’il convient de mettre en œuvre pour rompre avec le capitalisme financier et le système économique qu’il domine et qui asservit aujourd’hui les citoyens du monde entier. »

Les questions qui se posaient au début des années 80 et qui faisaient débat au sein du gouvernement de François Mitterrand sont toujours les même : « faut-il promouvoir un changement social qui soit compatible avec l’économie de marché, sans rupture brutale avec elle ? Ou faut-il un changement profond qui passe par une transformation radicale de l’économie de marché qui implique une rupture de logique au sein du système économique ? »

François Morin penche vers la deuxième solution, à travers l’idée d’une démocratie économique radicale qui passe par le contrôle citoyen de la monnaie et du crédit et le partage du pouvoir dans les entreprises.

On retrouve présentées de manière pédagogique les idées développées dans ses précédents livres sur la perte complète de maitrise par les Etats des taux d’intérêt et des taux de change, et plus globalement du processus de création de monnaie et sur le fait que l’économie réelle ne représente qu’une très faible partie de l’activité des banques. Sa première proposition, qui rejoint celle de nombreux économistes, c’est de « refaire de la monnaie un bien public. »

Le second constat c’est que «  le pouvoir des capitaux a acquis une force démesurée et sa capacité de nuisance sociale a pris une telle ampleur qu’il est urgent d’en faire une critique intellectuelle et politique. »  Par ailleurs l’expérience des nationalisations de 1981 montre que « Nationaliser des entreprises sans vraiment les démocratiser conduit inévitablement à l’étatisation de leur gestion ». Francois Morin appelle donc à une «  codétermination à parité entre le facteur capital est le facteur travail »  dans toutes les entreprises.

Un petit livre passionnant à la fois pour son approche historique des nationalisations et pour les idées développées pour réintroduire la démocratie dans le monde financier et dans les entreprises.

Le récit inédit des nationalisations de 1981 et quelques leçons que l’on peut en tirer Francois Morin , Lux Editeur , 2020

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