Où atterrir ?
Comment s’orienter en politique ?
Dans ce petit essai très percutant, Bruno Latour s’emploie à relier trois phénomènes déjà bien identifiés pour nous proposer une lecture originale du contexte politique actuel (Brexit, élection de Donald Trump, amplification des migrations , montée du populisme …) . Ces trois phénomènes sont la « dérégulation » qui s’accélère depuis les années 90 , l’explosion de plus en plus vertigineuse des inégalités et surtout la négation du changement climatique. Son hypothèse principale est que l’on ne comprend rien aux positions politiques depuis 50 ans si l’on ne donne pas une place centrale à la question du climat et à sa dénégation.
Cette question du climat, vue au sens large de notre rapport à la terre, est effectivement essentielle, car si on la regarde en face, on s’aperçois que la planète n’est pas capable de supporter les rêves de développement proposés par les tenants de la dérégulation et de la mondialisation.
« Les pays signataires de la COP 21 ont réalisé avec effroi que, s’ils allaient tous de l’avant selon les prévisions de leurs plans respectifs de modernisation, il n’existerait pas de planète compatible avec leurs espoirs de développement. »
A partir de ce constat, il porte un jugement très dur sur « les élites obscuscissantes qui ont compris que s’ils voulaient survivre à leur aise, il ne fallait plus faire semblant, même en rêve, de partager la terre avec le reste du monde », à commencer par celles des Etats Unis qui, derrière TRUMP, ont choisi de faire rêver quelques années l’Amérique pour protéger leurs avantages et pour retarder l’atterrissage.
Car la question est bien celle-là « Où atterrir ? ». Autrement dit « Est- ce que nous continuons à nourrir des rêves d’escapade ou est-ce que nous nous mettons en route pour chercher un territoire habitable pour nous et nos enfants ? ».
C’est une sorte de retour de la terre dans la politique qu’il nous propose.
Entre le Global qui est présenté comme l’archétype de la modernité et le Local qui peut paraitre un refuge face aux problèmes de la mondialisation, Il nous propose un troisième « attracteur » , le Terrestre – Il ne s’agit pas d’un retour à la terre –mais une intégration des enjeux de la planète, à commencer par le climat , dans la réflexion politique de ceux qui se sentent attirés par la mondialisation, comme ceux qui veulent se replier sur le local.
Une telle lecture de la politique fait ainsi disparaitre la notion de droite et de gauche. « La question devient donc de définir de façon beaucoup plus réaliste les luttes des classes en prenant en compte cette nouvelle matérialité, ce nouveau matérialisme, imposés par l’orientation vers le terrestre ».
La conclusion ouverte invite à s'attacher à un sol d’une part et à le mondialiser de l’autre car « le sol permet de s’attacher, le monde de se détacher ». Et dans le dernier chapitre, Bruno Latour nous explique pourquoi c’est en Europe qu’il souhaite « atterrir ».