E-BiblioBiblio APESA

Le coup d’État citoyen
Ces initiatives qui réinventent la démocratie


Élection après élection, on voit se confirmer le décalage entre les citoyens et le monde politique.  « Face à cette vie politique étouffante et sans perspective existe-t-il des alternatives crédibles pour remettre le citoyen au cœur de notre démocratie ? » Telle est la question à laquelle les auteurs, Elisa Lewis, entrepreneur et Romain Stiline, consultant et enseignant ont voulu répondre en allant à la rencontre de près de 80 défricheurs à travers le monde qui expérimentent de nouvelles pratiques pour la démocratie du XXIe siècle.

Ils nous livrent ainsi une vision réconfortante d’un monde en train de changer par le bas, d’un « coup d’État citoyen » pacifique qui est en marche.

Dans le 1er chapitre ils décrivent la vague de fronde politique qui s’est abattue sur les démocraties occidentales : Podemos en Espagne, Occupy Wall Street, Nuit debout… cette fronde trouve sa cause dans la fin d’un mythe démocratique : le fait de confier le gouvernement des pays à un petit groupe de personnes élues ne fonctionne plus. « De nombreux Français se sont exclus du monde légal, celui des gouvernants, des institutions et des médias, est abandonné par une élite éloignée de leur préoccupation du quotidien ». Ce sont 9 Français sur 10 qui répondent ainsi aux sondages en indiquant qu’ils ne font plus confiance aux partis politiques.

Le 2e chapitre décrit en détail quelques initiatives pour retrouver des idées et  du sang neuf en politique : Podemos en Espagne , qui partant du mouvement des Indignés, est devenu la 3e force politique espagnole, l’émergence des partis citoyens en France, les nouvelles formes de désignation des candidats aux élections ( laprimaire.org, Ma Voix ) , le Partido de la Red en Argentine, le Parti Pirate en Islande,  ou des innovations politiques radicales comme la démocratie liquide ( Proxy Voting).

Le chapitre 3 consacré aux initiatives qui visent à remettre les citoyens au cœur de la législation qui les concerne directement : référendums d’initiative populaire en Suisse, plate-forme open Ministry en Finlande, logiciel open source d’écriture des lois Démocraty OS,  plate-forme française Parlement et citoyens. L’exemple le plus abouti, même qu’il n’a pas encore eu tout à fait le résultat escompté,, est la création de la constitution citoyenne 2.0 en Islande.

Le chapitre 4 illustre la manière dont se met en place le contre lobby citoyens face à la tendance de voir de plus en plus les acteurs économiques et financiers réguler les affaires du monde : lutte pour la transparence à travers des médias citoyens, lanceurs d’alerte ( Irène Frachon et le médiator, WikiLeaks, panama Papers….) , développement de l’open data , contrôle de l’activité des représentants élus avec des plates-formes comme Regards Citoyens, développement de l’expertise citoyenne .

A côté de la démarche de contrôle et de vigilance citoyenne, il est aussi possible de disposer d’outils pour mieux comprendre tel que le comparateur collaboratif de programme des candidats VOXE, de mieux faire entendre sa voix par les plates-formes de pétition comme Change.org ou le community organizing  ( Alliance Citoyenne à Grenoble)  dont l’objectif est de faire que «  les gens qui sont à l’arrière du bus, qui font aussi partie de la société, puissent interpeller le chauffeur et avoir les moyens d’agir sur la trajectoire ».

À travers tous ces exemples, on voit que ce contre lobby citoyen ne pourrait exister sans le numérique : même dans les favelas de Rio de Janeiro, l’association MeuRio utilise le numérique pour développer des outils et des applications au service des habitants.

Le dernier chapitre se penche sur les initiatives visant à redonner pouvoir aux citoyens sur le territoire ; c’est le cas du budget participatif à Paris , des nouveaux mécanismes de démocratie locale à Grenoble, de la participation citoyenne à Madrid, de l’expérimentation concrète de la démocratie au quotidien à Saillans ( Drome) ou de l’administration publique collaborative comme à Mexico, au Chili, ou à Séoul. Sans  oublier les initiatives  qui veulent créer des  solutions pour le territoire comme le mouvement Colibris, Alternatiba, Terre de Liens ….

On voit ainsi apparaître de nouveaux « communs » qui bousculent à la fois le modèle économique dominant fondé sur la propriété et la tradition politique du monopole de l’intérêt général à la puissance publique.

« La subversion du système verrouillé et vertical que nous connaissons est déjà en cours », concluent les auteurs. Mais il ne faut pas sous-estimer les forces de résistance du système actuel. Et il faut surtout que nous sortions individuellement de notre passivité qui nous a conduit à « abdiquer notre citoyenneté en exigeant de nos représentants qui répondent pour nous à nos besoins immédiats ».

Tous politiques ! Tel pourrait être le mot d’ordre de la démocratie du XXIe siècle

Elisa Lewis, Romain Stiline, Editions La Découverte, 2016

Centre technologique des transitions

TOP