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LA FABRIQUE DU CRÉTIN DIGITAL


Michel Desmurget , Points 2020

Michel Desmurget docteur en neurosciences cognitives, directeur de recherche de l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) est un homme en colère : «  Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle ».

En effet, la consommation du numérique par les nouvelles générations est «  extravagante et hors de contrôle ...Dès 2 ans, les enfants des pays occidentaux cumulent chaque jour presque 3 heures d’écran. Entre 8 et 12 ans, ils passent à près de 4 h 45. Entre 13 et 18 ans, ils frôlent les 6 h 45. En cumuls annuels, ces usages représentent autour de 1 000 heures pour un élève de maternelle (soit davantage que le volume horaire d’une année scolaire), 1 700 heures pour un écolier de cours moyen (2 années scolaires) et 2 400 heures pour un lycéen du secondaire (2,5 années scolaires) ».

Et pourtant le discours ambiant est plutôt rassurant « le monde appartiendrait désormais aux bien nommés Digital Natives ». Leur cerveau se serait modifié pour gérer les énormes volumes d’information. Le numérique est une chance extraordinaire pour l’enseignement ……Malheureusement, « cet enthousiasme dissone lourdement avec la réalité des études scientifiques disponibles ». 

Alors qui croire, les discours médiatiques ou le discours scientifique ?  « Cette révolution numérique est-elle une chance pour la jeune génération ou une sombre mécanique à fabriquer des crétins digitaux ? ». L’objectif de l’ouvrage de Michel Desmurget est de donner des éléments de réponse en fournissant au lecteur « une information aussi précise et loyale que possible, dût-elle être contrariante ou désobligeante ».

Dans la première partie de l’ouvrage, « l’homo mediaticus », l’auteur analyse la «fabrique de l’ignorance» à laquelle se livrent les médias appuyés par certains experts . « C’est assurément un tour de force remarquable que de parvenir encore à faire croire aux gens que tablettes, télévisions, smartphones, ordinateurs, jeux vidéo, et autres joyeusetés du genre ont des effets globalement positifs sur le développement de l’enfant, alors que des tombereaux d’études scientifiques concordantes prouvent le contraire »

Le chapitre « Contes et légendes » s’emploie à déconstruire la légende de l’homo mediaticus et du digital natives. Le second chapitre «parole d’experts » montre toute la faiblesse des argumentations de certains « experts » mis en avant dans les médias. Le troisième chapitre « études boiteuses » « déplore la formidable visibilité offerte, par nombre d’organismes de presse majeurs, à des études qui de par leur nature iconoclaste et/ou leur origine incertaine, auraient dû susciter la plus extrême circonspection ». 

 Une fois ces constats posés, dans la deuxième partie de l’ouvrage, Michel Desmurget  décortique l’impact du numérique sur nos enfants . Quels usages les enfants et adolescents font ils de leurs écrans (chapitre 4) ? Comment cette consommation influence-t-elle la réussite scolaire (chapitre 5), le développement intellectuel notamment ( chapitre 6) et la santé ( chapitre 7) ?

Et l’on découvre dans cette deuxième partie que cette consommation «extravagante» du numérique a de lourdes conséquences : sur la santé (obésité, développement cardio-vasculaire, espérance de vie réduite…), sur le comportement (agressivité, dépression, conduites à risques…) et sur les capacités intellectuelles (langage, concentration, mémorisation…). Autant d’atteintes qui affectent fortement la réussite scolaire des jeunes. La force de la démonstration de Michel Desmurget , c’est qu’il s’appuie sur ses propres recherches en neurosciences et sur une connaissance approfondie de la littérature scientifique dans le domaine. L’argumentation développée est ainsi étayée par une centaine de pages de références. A cette rigueur du scientifique, se rajoute un vrai sens de la formule qui fait que l’ouvrage se lit comme un roman. L’auteur a en outre pris le soin de bien cadrer son propos dans les introductions de chapitre, de mettre des titres de paragraphes très parlants et d’en faire une synthèse à la fin de chaque chapitre. On peut donc « zapper » certains développements sans perdre le fil de l’ouvrage. 

Les conclusions de Michel Desmurget sont sans appel :

  - En matière d’usage du numérique, l’information offerte au grand public manque singulièrement de rigueur et de fiabilité,

  - La consommation numérique récréative des jeunes générations est extravagante et hors de contrôle,

  - Cette dévorante frénésie numérique nuit gravement à l’épanouissement intellectuel, émotionnel et sanitaire de nos enfants,

  - Notre cerveau n’est pas adapté à la furie numérique qui le frappe, 

Pour conclure, il nous propose 7 règles d’hygiène numérique et nous donne une lueur d’espoir  : « Une salutaire prise de conscience semble se dessiner. J’espère sincèrement que cet ouvrage pourra aider à sa propagation »

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