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ET SI L’EFFONDREMENT AVAIT DÉJÀ EU LIEU - L’étrange défaite de nos croyances


Roland Gori , Editions les liens qui libèrent, 2020


Roland Gori est psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à Aix-Marseille- Université . Il a rassemblé dès 2009 près de 90 000 professionnels du soin, du travail social, de la justice, de l’éducation, de la recherche, de l’information, de la culture dans l’Appel des Appels qui vise à lutter contre le management par la rivalité, contre le culte de la performance, les normes et l’évaluation, tous ces éléments qui appliqués entre autres au
service public contribuent au délitement de notre société. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont : La nudité du pouvoir : comprendre le moment Macron, La Dignité de penser, L’Individu ingouvernable, Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ? Un Monde sans Esprit et La Fabrique des imposteurs.

Cette longue introduction pour montrer d’où vient l’auteur : un professeur et chercheur, avec une pratique psychanalytique, porteur d’une critique forte d’un néolibéralisme qui a entrepris « la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social » (source : Appel des appels).

Même si l’auteur prédit que « l’effondrement de nos sociétés complexes parait inévitable face à des politiques qui se montrent incapables se stabiliser le système global, social, culturel, économique et biophysique », ce n’est pas de cet effondrement dont il veut nous parler.
Le sujet de son ouvrage, c’est l’effondrement de nos croyances. C’est « la fin d’une croyance collective dans le progrès social ». Une croyance qui s’est structurée grâce à la domination du monde par l’Europe. « Les victoires de l’Occident ont permis d’en sacraliser les valeurs, progrès, développement, efficacité, utilité raison, universalité…. Jusqu’à ce que l’effet cumulatif d’une poignée de chocs successifs ne viennent mettre en cause sa théologie du
« progrès » rationnel et universel, en même temps que ses forces de domination ».

Cette théologie du progrès est en quelque sorte l’histoire écrite par les vainqueurs : « il n’existe pas de faits bruts, mais des événements en proie à des interprétations dont le récit performatif prononce le dénouement ».

L’auteur fait des analogies entre ce qu’il observe au niveau de la société et ce qu’il a vu dans sa pratique de psychanalyste : « cette désintrication impossible à dénouer entre les événements du passé et leur écriture au présent est au cœur de la recherche historique comme de la psychanalyse ». Autrement dit, en tant que peuple, nous nous sommes racontés des histoires (ou on nous a raconté des histoires), de la même manière que certains
individus vus par les psychanalystes sont capables de se raconter des histoires qui sont loin de la réalité.

Mais aujourd’hui, nous ne croyons plus à cette histoire du progrès et « L’ampleur des bouleversements actuels dans les rapports que nous entretenons avec la nature est telle qu’une nouvelle discipline décrivant et analysant les émotions d’éco-anxièté, de détresse existentielle, de révoltes et de souffrances écologiques, d’angoisse et de paniques collectives – est en train de voir le jour ». Cet effondrement de nos croyances conduit pour certains à un
état dépressif ou pour d’autres à un état de déni.

Continuant son analogie avec la psychanalyse, l’auteur nous dit que « Un des points forts de la psychanalyse est d’avoir montré que la lucidité et le désir de vérité émergent du deuil et de la mélancolie ».

Roland Gori conclut que plutôt que rester dans le déni et dans une représentation négative de l’effondrement, il faut passer par cette phase de deuil, car « cette traversée par la dépression devrait conduire à un changement de civilisation ».Ce résumé rapide ne rend que très imparfaitement compte de la richesse et de la complexité de la pensée de Roland Gori, pensée qui prend des chemins parfois déroutants, ce qui peut rendre le livre un peu ardu.

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