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DÉSOBÉIR POUR LA TERRE - Défense de l’état de nécessité


Sous la direction de Dominique Bourg, Clémence Demay, Brian Favre
Presses Universitaires de France, 2021


« Désobéir, résister, s’insurger, occuper, s’indigner : pour bon nombre de citoyens et citoyennes et pour les juristes bon teint, il semble flotter dans l’atmosphère de ce premier quart de 21 ième siècle des embruns d’insurrection ».

Dans l’esprit des chaises de la BNP (pour mémoire, le 19 octobre 2015, plusieurs dizaines de militants ont réquisitionné 14 chaises dans l’agence BNP de la rue de Rivoli à Paris : une action symbolique pour dénoncer l’évasion fiscale encouragée et couverte par cette banque), le 22 novembre 2018, des activistes de Lausanne Action Climat ont organisé une partie de tennis simulée dans une succursale du Crédit Suisse munis d’une banderole « Si Roger savait ». L’objectif était d’utiliser l’image de Roger Federer (qui est sponsorisé par le Crédit Suisse) pour dénoncer la responsabilité de la banque dans le changement climatique.

A travers l’analyse de quelques exemples, dont l’action de Lausanne Action Climat ainsi que les cas des « faucheurs volontaires » de champs d’OGM ou l’occupation de la centrale de Cattenom, Dominique Bourg, Clémence Demay et Brian Faivre nous partagent des réflexions philosophiques et juridiques sur la désobéissance civile « un des mécanismes majeurs qui poussent la nécessaire évolution des normes au sein des sociétés démocratiques au substrat technique mouvant ». Car, et c’est bien illustré dans l’ouvrage, les juges ont commencé à ne plus condamner les actions de désobéissance civile.


A la fin du 19 ième siècle, un juge avait refusé de condamner une jeune mère ayant volé un pain pour éviter à ses enfants de mourir de faim, inventant l’état de nécessité. Cet « état de nécessité » est invoqué par les défenseurs des activistes qui se sont lancés dans des démarches de désobéissance civile. Dans le cas des activistes ayant investi l’agence du Crédit Suisse pour y jouer tout à fait pacifiquement au tennis, les magistrats ont jugé que le besoin d’agir contre le réchauffement climatique était réellement un « état de nécessité » qui justifiait leur action. Dans le jugement, on trouve ainsi un argumentaire extrêmement détaillé sur le changement climatique et sur l’inaction de la banque sur le sujet, ce qui conduit à la conclusion que : « l’action telle que conçue par les prévenus a constitué le seul moyen efficace pour faire réagir la banque ».

Un livre qui mélange témoignages, extraits de plaidoiries et de jugements et chapitres de réflexions sur les aspects philosophiques et juridiques (parfois un peu techniques pour les non juristes) de la désobéissance civile.

On retiendra que « la désobéissance civile est moins un cri du cœur venant des marges de la jeunesse qu’un désir sérieux touchant au cœur du politique » et peut être « l’amorce du renouveau des démocraties elles-mêmes ».

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