Comment les économistes réchauffent la planète
Dans son ouvrage, « l’Imposture Economique » (voir chronique) , Steve Keen s’est livré à une déconstruction extrêmement fouillée des théories économiques qui préfèrent la beauté des équations mathématiques et se coupent complétement de la réalité de la vie . L’ouvrage d’Antonin Pottier est dans la même veine. Il s’emploie à décrypter le fonctionnement de « l’Economiste qui raisonne à partir d’hypothèses choisies avec soin, n’ayant qu’un rapport distant avec la réalité mais dont l’objet est de faciliter la suite du raisonnement ».
Ce ne serait pas très grave si ces raisonnements restaient à l’état de théories. Ce que nous montre l’auteur, c’est que cette démarche conduit à un discours économique dominant qui a de lourdes conséquences sur le réchauffement climatique « Vous craignez le réchauffement climatique ? Vous avez tort ! Le changement climatique c’est 1 % de pouvoir d’achat en moins d’un siècle alors que le marché le multipliera par 7 : ayez confiance ! »
Partant du discours économique type, le discours de « l’Economiste », l’ouvrage analyse et montre la face cachée les différentes approches actuelles liées au changement climatique :
- les couts des réductions d’émissions sont calculées par rapport à un monde où le changement climatique n’aurait pas lieu et où tout aurait pu continuer comme avant
- L’analyse coût bénéfice dans lesquelles l’économiste se trouve dans une position de « juge de paix entre différentes exigences c’est de tenir les coûts les plus bas possibles et celle de limiter le plus possible changement climatique »
- L’estimation des dommages et le taux d’actualisation qui illustre la vision du monde de l’économiste dans lequel les marchés parfaits neutralisent les risques du changement climatique et se substituent à la décision collective
Le dernier chapitre montre comment le discours économique dominant a entravé pendant 20 ans la coopération internationale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre
Ce que l’on peut retenir de cet ouvrage, en plus de l’impact avéré du discours économique sur le changement climatique, c’est l’extraordinaire capacité du discours économique ambiant à reformuler les problèmes selon ses propres termes, à déplacer la question sur son terrain, à imposer son cadre d’interprétation, en résumé à présenter un monde idéal dans lequel ses équations fonctionnent sans se préoccuper de la réalité concrète.
Enfin, il faut signaler l’excellente préface de Gaël Giraud qui fait le lien entre le discours de l’économiste et la bureaucratie croissante qu’à bien décrit David Graeber dans son ouvrage récent « Bureaucratie » (voir chronique)