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Cédric Herrou, Editions les Liens qui Libèrent , 2020

« Soudain, dans l’obscurité, j’entrevois des silhouettes qui marchent le long de la route. Interrompu dans mes rêveries, je donne un brusque coup de volant pour les éviter. (…) Mais que font ces gens-là sur la route. J’ai cru voir des gosses…. (…) Je leur propose de monter à l’arrière, au milieu des caisses d’œufs vides » .  

Après s’être essayé à différentes activités et avoir vécu en Afrique,  Cédric Herrou s’est installé comme agriculteur dans la vallée de la Roya. Isolée à la frontière franco-italienne, cette vallée - récemment médiatisée par les inondations qui l’ont dévastée  -  est une alternative à la route directe Vintimille-Menton pour les migrants qui essaient de passer d’Italie en France. 

Le geste de simple humanité qui a été de recueillir et d’aider cette famille de migrants marchant de nuit au bord d’une route de montagne est le départ d’une expérience humaine et judicaire extraordinaire que Cédric Herrou nous raconte dans un ouvrage que l’on a du mal à lâcher quand on l’a commencé.

Cette « première fois » est un déclic.  « Avoir hébergé ces gens, me chamboula ». Et il commence à aider les migrants arrivés dans la vallée de la Roya côté français à sortir de la vallée en évitant les barrages. Non sans douter « Les semaines passaient, ma tête brûlait toujours. Jusqu’où m’engager ? Quels risques prendre ? ». Finalement il s’engage fermement « Ma décision était prise, ma mission serait la plus efficace, mais aussi la plus risquée : les faire passer ». Il transforme sa ferme en lieu d’accueil, qui deviendra en juillet 2019 la communauté Emmaüs Roya 

En parallèle commence une saga judiciaire, avec une première interpellation en août 2016. Affaire classée sans suite au motif de « l’immunité humanitaire ». Les interpellations suivantes conduisent à des gardes à vue, des perquisitions au domicile de Cédric Herrou et des mises en examen. S’ensuivent deux années de batailles judiciaires qui conduisent à une décision historique du Conseil Constitutionnel le 6 juillet 2018 : celui-ci proclame le principe de fraternité qui autorise n’importe quel citoyen à venir en aide à un migrant en difficulté sans avoir à se soucier de son statut juridique ni à lui demander son identité. 

Ce « citoyen lambda têtu et décidé » a ainsi gagné pratiquement tous ses combats judiciaires et a réussi à faire condamner l’Etat  ( la préfecture en particulier )  à plusieurs reprises et à faire affirmer par le Conseil Constitutionnel le «  principe de fraternité ».

« En côtoyant des exilés, j’ai appris la souffrance d’être séparé de sa terre, de ses repères et de sa culture (..) La France semble parfois considérer qu’ils sont venus en avion chercher une existence plus confortable. Non. La migration n’est pas une activité touristique, ni un luxe de privilégiés, c’est un drame qui nous laisse devant trois options : se persuader qu’on y peut rien, juger que ces hommes et ses femmes sont de trop dans notre pays ou agir, oser la fraternité, combattre l’inacceptable pour ne pas en être acteur, empêcher que l’histoire se répète par indifférence et égoïsme ».  

En cette période où les migrants sont au cœur du débat politique, il faut absolument lire ce livre de témoignage qui complète parfaitement l’ouvrage « On a tous un ami noir » de François Gemenne.

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